Tu es déjà un homme mon fils
Parmi les films proposés ces jours-ci par le festival virtuel pointdoc, figure le portrait d’un enfant rom formidable, « Recardo Muntean Rostas ». Âgé de 7 ans, Recardo pétille, gribouille, aime le foot et fréquente l’école. C’est aussi un adulte immergé dans les difficultés financières et l’instabilité quotidienne qui fait office de trait d’union entre sa famille et les étrangers.
D’un côté, une famille rom, avec ses rites, sa spontanéité et ses airs d’accordéon, de l’autre, une Bruxelles grise, anonyme et impersonnelle. Entre les deux, un petit gars débrouillard, futé, et hilare. Malgré son jeune âge, Recardo endosse un rôle et une responsabilité importante dans le cercle familial, d’autant plus que son père ne peut plus assurer les revenus du foyer. Pourtant, Recardo reste encore et toujours un enfant avec ses jeux, ses émotions et son besoin cruel de contact avec les êtres de son âge et de sa taille.
Filmé à hauteur de gosse, ce documentaire, le premier d’une trilogie sur l’enfance, suit avec humour, pudeur et humanité la réalité de ce petit mec, alternativement centre de l’attention et objet de rejet, faisant un incroyable apprentissage de la vie en dépit de ses jeunes années. La fraicheur de Recardo, sa vigueur, son toupet aussi rendent ce film tout à fait particulier et déjouent les stupides et nombreux clichés entourant une communauté plus que fragilisée.
En documentaire, on parle de distance et de respect avec et pour le sujet. Stan Zambeaux, le réalisateur de ce film – d’écoles, précisons-le – applique bel et bien ces deux idées : il se fait discret en étant témoin de l’intimité de cette famille, développe une belle relation de confiance avec eux et filme de loin les discussions mère-fils (qu’il ne traduit d’ailleurs pas toujours, les plans parlant d’eux-mêmes).
Par moments, ce film fait penser à une géniale fiction incrustée de visages hauts en couleur et de situations ultra réalistes. Pourtant, c’est la vie et les vraies gens que Zambeaux filme et c’est un regard plein d’amour et de respect qu’il porte sur le réel qu’il a choisi. Son film fait du bien, donne de l’espoir, et contrecarre une certaine actualité anti-rom. Les enfants sont les meilleurs porte-paroles du monde, ils ont leur mot à dire, leur personnalité à imposer et leur rôle à jouer. Recardo appartient lui aussi à ce groupe, le temps d’un film et peut-être même au-delà.