Né en 1934 à Prague, berceau de grand noms du cinéma d’animation comme Jiri Trinka ou Bratislav Pojar, Jan Švankmajer ne se considère pas comme un cinéaste d’animation. Peintre, sculpteur, « plasticien » (ce terme, pourtant d’usage, semble impropre à quelqu’un qui a passé sa vie à travailler la chair), il partage sa vie et son travail avec Eva, sa femme. Peintre talentueuse, elle est à la fois sa partenaire (certaines sculptures on été faites à quatre mains) et sa muse (la méchante reine d’Alice, c’est elle).
Lors de son passage au Forum des images en octobre 2010, Jan Švankmajer est catégorique : le numérique et la 3D, ce n’est pas fait pour lui. À 76 ans, après près d’une quarantaine de films, Švankmajer ne croit qu’en ce qu’il touche. Car Švankmajer est un cinéaste de la matière. Devant sa caméra, la glaise, le verre, le métal, la viande et le papier s’animent, image par image.
En 1970, il intègre le groupe surréaliste de Prague. Profondément iconoclaste, ce groupe ne pourra travailler que dans la clandestinité pendant la période communiste. Les œuvres de Švankmajer ne sont pas directement politiques, même si, parfois, de par leur violence plastique et leur liberté de forme, elles dérangent la Tchécoslovaquie soviétique de l’époque.
C’est ce régime totalitaire qui lui donnera d’ailleurs sa plus grande obsession d’artiste et de cinéaste : la nourriture. Jugé trop maigre pendant l’adolescence, il est envoyé dans un centre ou l’on gavait littéralement les enfants. Ainsi, chez Švankmajer , les repas sont souvent une torture, que ce soit pour le mangeur ou pour la nourriture elle-même, les rôles pouvant parfois s’inverser.
Švankmajer n’est pas un cinéphile au sens stricte du terme, pour lui, le cinéma s’est arrêté à Murnau (mince… et s’il avait raison ?). Plusieurs cinéastes s’inspirent de son travail et le revendiquent. Du coup, quand il a devant lui Terry Gilliam, David Cronenberg, Peter Greenaway ou les frères Quay, c’est la première fois qu’il entend leur nom.
Jan Švankmajer est l’un des derniers cinémagiciens de sa génération. Un Méliès Tchèque qui utilise des tours, des subterfuges, vieux comme le cinéma. Et n’en déplaise à Tim Burton, cet homo faber tchèque a réalisé à ce jour la meilleure version d’Alice aux pays des merveilles de Lewis Caroll.
Article associé : la critique des DVD de courts de Jan Švankmajer