Avec « Nuit blanche », le Canadien Arev Manoukian nous plonge droit dans un esthétisme pulsionnel teinté de l’hyperréalisme absolu. Présenté au festival du court métrage de Louvain dans la programmation Labo, ce court métrage déborde de romantisme et, le temps d’un regard, caresse les sens.
« Nuit blanche » retrace, dans un Paris des années 50, une brève rencontre imaginaire entre un homme et une femme dont les regards se croisent une nuit bruineuse. Un univers aussi expressionniste que celui du film noir, aussi solitaire que celui d’Edward Hopper et aussi monochrome que les clichés de Bernice Abbot. Sur fond d’une musique sensuelle et dramatique, le réalisateur use de la technique du Slow Motion pour étirer à souhait cet instant du type “l’amour fait bouger des montagnes” même si, en l’occurrence, l’amour fait briser du verre, éclabousser de l’eau et déraper des voitures, afin de réunir les deux inconnus.
Par sa durée et par l’unidimensionnalité de son idée, « Nuit blanche » aurait plutôt l’allure d’un clip vidéo ou d’une publicité : on pense d’emblée au clip de Nicholas Brandt pour la chanson “Stranger In Moscow” de Michael Jackson, mais aussi à la série de pubs pour les diamants DeBeers au début des années 90. Pourtant, ce court métrage se dote d’une dimension narrative qui dépasse le formel pur. Ce travail particulier, mais loin d’être unique, sur la temporalité répond parfaitement à l’expérience subjective de ce moment de désir vécu par les protagonistes. Ici, le procédé de l’image ralentie va au-delà de la simple esthétique car le temps interne s’externalise et devient le temps de la narration même. Illustration de l’image-temps deleuzienne avec la représentation du « temps en personne » à l’écran, alors que le jaillissement des gouttes d’eau, le verre de vin éclaté et les débris de verre de la vitrine du café constituent une véritable symphonie cristalline autour de cette aventure onirique.