Le Mangeur mangé
Avec son titre digne d’un roman de Zola, le film de Grammaticopoulos dépeint un univers gris et impersonnel où des scientifiques mettent au point des techniques qui permettent d’augmenter la production alimentaire. Sélectionné à Bruz, l’animation aux accents (sur)réalistes révèle l’angoisse grandissante de la société du trop plein.
Loin de simplement satisfaire un besoin primaire, la nourriture remplit le ventre déjà bien rond du héros anonyme qui reste sur sa faim lorsqu’il réalise que l’escargot qu’il mange n’est pas assez dodu. Il lui vient l’idée d’augmenter la production et la taille du limaçon pour le plaisir de ses papilles gustatives… et de son porte-monnaie.
Par le biais d’une dimension onirique et inquiétante qui n’est pas sans rappeler la peinture de Magritte, Grammaticopoulos fait apparaître une masse robotisée et déshumanisée. Dans une palette de couleurs froides, il décrit l’opulence et l’abondance non pas à la manière d’un Breughel qui la fait rimer avec jouissance mais plutôt à la manière d’un Orwell qui en soulignerait les travers décadents. Quant à la musique, dissonante à certains moments, elle colle aux images en 3D et encadre les émotions pour mieux les faire vivre.
Dans cette société mortifère, rien n’existe en dehors de la nourriture et l’homme aux idées lumineuses se retrouve par un malheureux concours de circonstances victime du procédé qu’il a mis en place. Quand l’arroseur est arrosé, le mangeur se voit mangé.