Programmé dans la sélection Labo au festival de Louvain cette année, « Kwa Heri Mandima » (Goodbye Mandima), Pardino d’or à Locarno, frôle les genres du documentaire et de l’expérimental. Son auteur Robert-Jan Lacombe, encore étudiant à l’ECAL (Lausanne), dresse un portrait intime et poignant sur le thème du déracinement.
Le film de Lacombe repose sur une narration minimaliste. Son image est composée en grande partie d’une photographie d’un petit avion dans un champ zaïrois. Elle représente le moment du départ de la famille franco-hollandaise Lacombe, longtemps expatriée au Congo (alors Zaïre). À partir de cet ensemble, le cinéaste se focalise tour à tour sur des personnages, alors qu’un narrateur en voix-off décrit ce moment fatidique pour la famille sous forme d’un monologue dramatique du père de Lacombe adressé à son fils, ou de l’auteur lui-même en tant qu’adulte s’adressant à l’enfant qu’il était. Le scénario intimiste aborde les questions d’appartenance, d’identité et de différences culturelles entre les mondes auxquels le protagoniste appartient et, en même temps, n’appartient fatalement pas. Par ailleurs, en faisant allusion aux conflits politiques des années 90, Lacombe inscrit son récit personnel dans un cadre historique plus général. À ce propos, « Doulos Memories », une petite vidéo réalisée par Lacombe lors de son séjour sur le navire-bibliothèque MV Doulos, montre également cette sensibilité qui consiste à exprimer le personnel par le biais de l’universel et vice versa.
La technique de Lacombe est aussi simple que puissante et rappelle les « photofilms » de Chris Marker. Des mouvements de caméra animent le sujet figé de « Kwa Heri Mandima » tel le trajet de la mémoire du réalisateur. En même temps, les propos rétrospectifs du narrateur font voyager le spectateur dans le temps à la fois de l’histoire et de l’Histoire. Le résultat est un film qui touche énormément par l’authenticité de son émotion. Rarement la question du déracinement culturel a été abordée et le travail sur la mémoire effectué avec autant de franchise et d’immédiateté. « Kwa Heri Mandima » est la quête d’identité d’un personnage pluriel, la mise à nu à peine déguisée d’un homme issu d’un père français et d’une mère hollandaise, né et élevé au Zaïre et reparti en tant que jeune adulte en France. De ce point de vue, ce film est comme un rite de passage pour l’auteur et témoigne de la nécessité chez lui de revisiter son passé pour mieux se connaître. Et, ce faisant, s’il parvient à démontrer sa maîtrise du médium c’est d’autant plus valorisant. Manifestement, Lacombe donne un nouveau sens au joli dicton Ex Africa semper aliquid novi (« Toujours quelque chose de nouveau en provenance d’Afrique »).