Déjà producteur de la Palme d’or du court métrage (« Chienne d’histoire », Serge Avédikian, 2010), Ron Dyens de Sacrebleu productions a eu la judicieuse idée de faire appel à Jean-Gabriel Périot pour une série sur la désobéissance. Le court né de cette commande, « Les Barbares », vient d’être présenté à la Mostra de Venise. Coup double.
En choisissant de s’octroyer les services du cinéaste pour aborder le thème de la désobéissance, Ron Dyens ne pouvait pas se tromper. Depuis plus de dix ans Périot travaille la question de la violence et de ses rouages, de la mémoire et de l’intime à travers des courts métrages que certains qualifient d’« expérimentaux » même si le garnement oscille aussi régulièrement entre le documentaire et la fiction.
La première image du film est une photo de groupe. De gauche à droite, Lula, Obama, Sarkozy, Berlusconi, Medvedev. On reconnaît au second rang Merkel et Brown. Ils n’ont pourtant pas l’air de barbares dans leur beau costume malgré leur léger problème de dos. Les photos de responsables politiques en rangs d’oignons se succèdent dans un style diaporama puis sont rapidement suivies par les mêmes photos de groupes mais cette fois de militaires, d’équipes de hockey, de danseurs folkloriques, de mariés et de familles. Le diaporama se resserre, laissant différents pans d’images se juxtaposer entre eux. Soudain Condeleeza Rice côtoie des citoyens lambdas, des cyclistes, des militaires en tenue et au final, ces groupes bien en rang, bien droits, souriants et costumés ne font plus qu’un. Le groupe se fond, la masse se mélange, se rassemble. On se serre les coudes. On ne joue pas individuel.
Des photos de manifestants, d’anarchistes viennent troubler la quiétude apparente de ces groupes où rien ne dépasse, où la norme est bien définie et le consensus de rigueur. Eux sont en mouvement, le bras souvent levé. Le montage se fait plus lent, la musique plus douce. Les bus brûlent, les pierres fusent. La violence est là. Pourtant ces actions visibles ne semblent pas plus inquiétantes que la violence invisible du groupe que suggère le montage de Jean-Gabriel Périot.
Inspiré par La résistance infinie d’Alain Brossat, « Les Barbares » met en avant la théorie du philosophe dont l’une des idées est que si l’espace démocratique ne fonctionne que sur le consensus, tout geste politique ne peut être que de l’ordre de la dissension en contrariant et en offusquant les systèmes policés. Le film se termine sur la citation de Brossart : Si la politique est appelée à revenir, ce ne sera que par le côté du sauvage et de l’imprésentable ; là où s’élèvera cette rumeur où se laisse distinguer le grondement : « Nous, plèbe, nous, barbares… ».
Jean-Gabriel Périot a les idées claires, pour autant il laisse toujours assez de distance pour permettre au spectateur de réfléchir par lui-même à ce qu’il vient de voir. Jamais dans un discours propagandiste, il reste un créateur attaché à sa liberté.
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