Sympa, ôtant docilement ses lunettes de soleil pour la photo, Atom Egoyan, le réalisateur d’ « Exotica » et plus récemment de « Chloé » était cette année à Cannes à double titre, celui de Président du Jury de la Cinéfondation et de la Sélection officielle. Rendez-vous express, entre deux journalistes étrangers et deux coupes à bulles.
Cette année, vous êtes à Cannes pour voir et juger les courts métrages dans deux sections. Faites-vous une distinction quand vous évaluez les films en sélection officielle et ceux faits à l’école ?
C’est une bonne question. Je pense que la forme courte est quelque chose de spécifique. C’est comme la nouvelle. Il y a des écrivains qui travaillent dans le format de la nouvelle et il y a des réalisateurs qui travaillent dans le format du court métrage. C’est vrai que les gens sélectionnés à la Cinéfondation sont très souvent ceux qui aspirent à faire des longs alors que je suis sûr que dans la compétition, ce sont des gens qui utilisent la forme du court pour elle-même. C’est une grande différence effectivement.
Vous savez, au Canada, il y a le National Film Board (NFB), on nous enseigne le format du film court dans les écoles, on a d’excellents réalisateurs qui ont toujours et seulement travaillé dans le court métrage, alors, c’est quelque chose que je respecte. Mais vous avez raison, je pense que la plupart des gens ne voient probablement pas que les deux jurys évaluent les films de manière très différente.
Qu’avez-vous envie de trouver dans les films d’écoles aujourd’hui ? Avez-vous le regard tourné vers les jeunes générations ou cherchez-vous de nouvelles propositions de cinéma?
Avec le jury de la Cinéfondation, on s’est vraiment intéressé à l’intégration de la forme dramatique avec de nouvelles formes d’expression cinématographique. Le travail que les réalisateurs ont mené avec les acteurs a aussi été très important dans nos décisions. On a eu des films dramatiquement construits, mais ça a été très difficile de juger parce qu’il y avait aussi dans ce jury d’excellentes animations comme « Miramare » de Michaela Muller qui est un pur chef d’oeuvre.
Dans votre pays, suivez-vous aussi le travail de jeunes réalisateurs ou le faites-vous juste ici par votre fonction ?
Oh non. Je suis obsédé par ça. Je produis des premiers longs, les plus connus étant ceux de Sarah Polley. Je possède aussi un petit cinéma de cinquante salles à Toronto où on montre de nouveaux films, des travaux digitaux, etc. J’essaye de soutenir de nouveaux talents, c’est très important, je crois…
… D’aider ?
Oui ! Si vous êtes capable d’utiliser votre position pour aider une nouvelle génération, c’est tout à votre honneur. En plus, au Canada, il y a une tradition des réalisateurs indépendants vraiment étonnante. Aujourd’hui, elle est mise en danger car on vit à côté des Etats-Unis, d’une culture monolithique. Malgré tout, on essaye de créer notre propre voie.
Quand vous avez commencé à faire du cinéma, étiez-vous aussi libre que ces jeunes gens semblent l’être aujourd’hui ?
J’ai eu un parcours très étrange. J’ai été à l’université, je n’étudiais pas le cinéma mais je faisais des films à travers un ciné-club. C’était très cher de faire des films car on n’avait pas d’autre choix que de filmer en 16 mm. Je me souviens qu’il y avait beaucoup de restrictions. Ce qui est incroyable maintenant, c’est qu’il y a énormément de liberté quand on tourne.
Ce qui est important, c’est de se demander si on considère encore les images aussi attentivement maintenant que l’on peut filmer n’importe quoi. Ce qui a été encourageant dans les films qu’on a vus à la Cinéfondation, c’est que même si ils ont été tournés en vidéo ou avec des montants confortables, tous ces réalisateurs ont été incroyablement concentrés par les images qu’ils ont tournés et par les performances sur lesquelles ils ont travaillé. Ils ont eu énormément de liberté. Je pense que la barrière la plus grande pour moi au début était juste l’argent. C’était difficile de monter des budgets, mais ce qui est étrange, c’est que ces minuscules montants s’avèrent aujourd’hui suffisants grâce à la révolution numérique. Je crois que la question à laquelle les jeunes cinéastes ont encore vraiment besoin de s’astreindre est la suivante : que faut-il essayer d’exprimer ? C’est ce qui communique au spectateur, ce sens d’une vision claire. Le problème avec beaucoup d’images qui nous entourent, c’est que ces considérations ne sont pas posées et qu’on n’a pas affaire à du cinéma.
Qu’est-ce qui est très particulier au court, selon vous ? Un jour, reviendrez-vous au genre court ?
Oui. Un long est plein de conventions au niveau structurel et financier. Un court est libéré de beaucoup d’éléments propres à l’industrie du long, donc le cinéaste est libre d’explorer ce qu’il veut. Il y a deux ans, j’ai fait un court pour les 60 ans du festival de Cannes [« Artaud Double Bill »], et c’est un exercice que je réitérerais volontiers.
Propos recueillis par Katia Bayer
Ben oui, je trouve qu’il re-cadre bien ce qu’il ne faut pas perdre de vue, blogeurs, fanzineux, rédacteurs : être là pour transmettre. Et ce boulot de transmission il coûte en sueur, en énergie, en conviction. Ca fait toujours du bien d’être encouragé par un Atom Egoyan. (dont la filmographie comporte un Vendredi 13 !!). Bien joué Format Court!