Coup de force audacieux comme seule la décennie 70 a pu en produire, « Le Vice et la vertu » de Roland Lethem a déclenché soupirs, cris et étonnement à la séance « Tabou » de Short Screens en avril à Bruxelles.
Avec ce très court très osé, Roland Lethem, réalisateur belge controversé, défie toute catégorisation en même temps qu’il heurte la sensibilité de son spectateur. Plan fixe filmé en 16mm et en noir et blanc, « Le Vice et la vertu » se présente comme une mise en scène apparemment quelconque de la Vierge à l’Enfant. Sauf que sous ce paradigme classique de l’innocence se cache un élément dérangeant à plusieurs égards: à y regarder de plus près, on aperçoit entre les jambes du nouveau-né, un sexe masculin en état d’érection, qui fait l’objet de la cajolerie de la maman plus que le bambino lui-même.
D’emblée, à la lecture au premier degré d’un tel film, toutes les critiques possibles frappent l’esprit : volonté de choquer, célébration de la perversité, louange de l’immoral, affront iconoclaste,… Pourtant, l’artiste subversif à l’origine de telles horreurs magistrales que « Le Sexe enragé », « Le Tampax vite » et « Gourmandises » parvient à esquiver ce genre de jugement réducteur en suscitant des réflexions sur les règles morales et en mettant à mal de façon intelligente les normes sociales et la pruderie. Plus de 35 ans après sa création, ce petit court muet réussit son pari et, comme en témoigne parfaitement son titre, explore habilement la frontière parfois floue entre le pervers à censurer et le naturel dans toute sa splendeur.