Rúnar Rúnarsson est de retour. Celui qui aurait eu le cancer ou des hémorroïdes s’il n’avait pas fait de cinéma a probablement trinqué à la brennivín (alcool de pomme de terre) en apprenant qu’« Anna », son dernier film, très côté en festival depuis sa sélection à la Quinzaine des Réalisateurs, avait remporté le Grand Prix du Jury aux dernières Rencontres Henri Langlois. Tout comme « Smáfuglar », son précédent court, « Anna » est un film profondément personnel et juste, nourri de transitions, de choix, d’absences, de puretés, et d’émotions contrastées.
Évoqué comme “un film qui ne ressemble pas à un film d’écoles“ par le Jury du dernier Festival de Poitiers, « Anna » scrute le visage et le corps d’une enfant en proie à de nombreux changements. Anna, âgée de douze ans, vit seule dans un petit village de pêcheurs, avec sa mère sur le point d’accoucher. Abandonnée par son père, elle maintient un lien virtuel avec celui-ci, en s’occupant de son chalutier à l’abandon. Anna a bien un ami, Ole, avec lequel elle passe ses journées et boit des grenadines, seulement, cette relation ne lui suffit pas. Son cœur est triste, sa solitude est grande, et son corps se transforme. Tout comme le monde qui l’entoure, Anna change irrémédiablement.
Interpellé par l’isolement et le passage à la maturité, Rúnar Rúnarsson s’est imposé, en trois films (« The Last Farm », « Smáfuglar », et « Anna ») par la délicatesse de ses histoires, les cadrages très serrés de ses comédiens non professionnels, sa photo douce signée Sophia Olsson, et ses plans prenants, comme celui d’une adolescente dans sa baignoire ou d’une main timide au contact d’un mur.
Pour le réalisateur diplômé de la Danske Filmskole, l’adolescence est “une période où tout peut réellement changer. Dans « Anna » et « Smáfuglar », les personnages sont naïfs, purs, et innocents, et sont confrontés à un contraste violent, très négatif, pour eux. Pour s’en sortir, ils sont forcés de mûrir et de passer à l’âge adulte“. Dans « Anna », son film de fin d’études, le personnage principal (captivante Marie Hammer Boda) est sujet à plusieurs transitions difficiles à vivre. Son mal-être est filmé à vif, et alterne avec des brefs moments de répit, d’espoir, et de sérénité.
Nulle originalité. Ce film-ci allie lui aussi sobriété et pudeur, comme d’autres titres chroniqués sur ce site. Il prend en plus le temps de construire une histoire, de la voir évoluer, et de lier connaissance avec une petite héroïne tourmentée. En 35 minutes, Anna est de tous les plans, tour à tour dubitative, colérique, jalouse, triste, tranquillisée, touchante. Touchante.
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