Projeté à la Fête de l’animation, à Lille, lors de la séance du studio croate Kenges, « Leviathan » de Simon Bogojevic-Narath (Prix du meilleur film d’animation à Clermont-Ferrand en 2008), est une réflexion en images sur le pouvoir et ses dérives adaptée du livre homonyme de Thomas Hobbes.
Peintre et animateur, le croate Simon Bogojevic-Narath signe, avec « Leviathan », un film complexe par son sujet et son animation. Adaptation originale du traité politique classique de Hobbes, sorte de mise à jour postmoderne du symbolisme à la Bosch, le film est caractérisé par un trop plein d’éléments. Tel un peintre qui surchargerait sa toile, Simon Bogojevic-Narath remplit son cadre. Les détails sont partout et nulle part : les individus sont fous, nus, et hilares, les ethnies s’entretuent, une fanfare joue une marche militaire, des têtes d’hommes et de femmes se font écraser au rythme de la musique, les figures du pouvoir, religieux et politique, renaissent des cendres et des débris, … La composition de l’image est telle qu’il est difficile de décrocher, notamment devant la séquence impressionnante du personnage gigantesque du Leviathan, constitué d’une centaines d’individus, hommes et femmes, et qui se redresse, brandissant une épée dans une main, un sceptre dans l’autre.
Si Simon Bogojevic-Narath s’intéresse aux livres anciens, il ne dédaigne pas pour autant les citations et les métaphores. On pense notamment à l’évocation directe de l’œuvre source dans le générique, ainsi qu’à l’extrait de la célèbre gravure du Leviathan réalisée par Abraham Bosse pour le frontispice original du livre. Le décor du film propose, lui aussi, d’autres hommages : des escaliers et des centres de gravité éclatés, à la Escher, des ruines futuristes évocatrices de films tels « Le Jour d’après » ou « Waterworld », un gramophone en lien avec Fellini,…. Enfin, le générique contient également une allusion cinématographique intéressante, empruntant à Hitchcock : le film s’ouvre sur des ombres et des bruits d’oiseaux menaçants, suggérant le monde dépeuplé et délabré des « Oiseaux ».
Dans ce monde à la dérive, la notion de guerre (bellum omnium contra omnes – guerre de tous contre tous) est esthétisée L’ironie de la situation réside dans l’idée que la guerre, si terrible qu’elle soit, est perçue comme une condition nécessaire pour le commonwealth sociétal. Par conséquent, les victimes de la violence applaudissent et encensent les actes de violence qu’elles subissent, jusqu’à entamer une célébration orgiastique prenant un effet stroboscopique.
Vision d’apocalypse ? Point de vue sur le chaos ? Film sur la fin du monde ou regard sur le monde actuel ? Simon Bogojevic-Narath refuse de se prononcer. Pour lui, c’est au spectateur de lire son Leviathan, selon sa propre interprétation.
Article associé : l’interview de Simon Bogojevic-Narath
Merci beaucoup Je suis très intéressé par toutes vos références et en particulier à Abraham Bosse.
Outre ma peinture et gravure je travaille à un ensemble monumental peint de 40 toiles a tempéra de 5 m x 3 chacune… du passé au futur…
Visible sur le site http://www.viapictura.com.
Bien cordialement. R.D.