À l’image de ses éditions précédentes, Anima a consacré, cette année, une de ses séances au Cartoon d’Or. Unique prix européen récompensant un court métrage d’animation, il offre au lauréat l’opportunité de se lancer dans un projet plus ambitieux tel un long métrage ou une série télévisée. L’initiative comporte une particularité, mais aussi une limite : seuls les films récompensés dans l’un des principaux festivals européens d’animation peuvent concourir au Cartoon d’Or. Cette année, 5 nominés avaient été retenus, par un jury de réalisateurs, parmi 32 films d’animation primés en festival. Présentation des finalistes.
John and Karen de Matthew Walker (Royaume-Uni)
Épisode 43.762. John, l’ours polaire, n’aurait pas dû remettre en question, la veille, les talents de pêcheuse de Karen, le pingouin. Aujourd’hui, il est venu s’excuser, lui dire qu’elle était une excellente nageuse, et que ce n’était pas important si elle n’arrivait pas à attraper de baleine. Pattes croisées, Karen est contrariée, mais elle offre tout de même du thé et des biscuits à John.
« John and Karen » est né sur une page vierge du carnet de croquis de Matthew Walker. Un ours polaire et un pingouin, assis l’un en face de l’autre, se lancent : « Tu te tais ! », « Non, toi, tu te tais ! ». Le réalisateur, ayant déjà été sensible aux duos (des cosmonautes dans « Astronauts », un homme et Dieu dans « Operator »), a développé une histoire courte délirante autour de ce nouveau couple improbable. L’humour « british » est au rendez-vous, les dialogues sont savoureux, et les biscuits se prennent jusqu’au générique de fin.
Le Pont de Vincent Bierrewaerts (Belgique, France)
Au sommet d’une falaise, vivent, coupés du monde extérieur, un homme, son fils, et quelques animaux de ferme. À l’extrémité de leur terre, se trouve un pont en ruine. Tenant farouchement à leur isolement, le père n’a jamais cherché à réparer la passerelle, et a tenté de préserver, à tout prix, son fils des tentations de l’humanité. Une nuit, l’adulte pointe le ciel et les étoiles, quand tout à coup, l’enfant baisse le regard, et découvre, en bas de la falaise, la ville et les hommes…
« Le Portefeuille », le film précédent de Vincent Bierrewaerts, ancien élève de la Cambre, se basait sur le choix, le double, et la surimpression en couleur. « Le Pont » évoque, quant à lui, le passage à l’âge adulte et la confrontation au monde réel, par le biais d’une animation en volume soignée.
L’Évasion de Arnaud Demuynck (Belgique, France)
Du pain pour deux. Un homme partage sa cellule avec un autre prisonnier. La porte s’ouvre : le codétenu, traîné par des gardiens, est torturé à mort. Ration pour un. La porte s’ouvre à nouveau, l’homme est escorté vers un destin similaire. Il réussit à s’enfuir, et est rattrapé par ses poursuivants. Faisant mine de se rendre, il met un pas devant l’autre, et se met à danser devant les visages fermés et les armes chargées.
Après « Signes de vie » et « À l’ombre du voile », « L’Évasion » clôt la « trilogie chorégraphique » d’Arnaud Demuynck. Ce film de dix minutes, dépourvu de tout dialogue, est une interrogation en noir et blanc sur l’enfermement, l’oppression, le corps, le désespoir, et la liberté.
Le Loup blanc de Pierre-Luc Granjon (France)
Arthur et Léo, deux petits garçons éveillés, vivent aux abords d’une forêt, à la fois terrain de jeu et de chasse. Ils s’y aventurent sur leurs chevaux de bois, tandis que leur père y traque des beaux lapins. En jouant, Arthur se retrouve nez à museau avec un loup blanc. Il apprivoise l’animal, en fait sa monture, et se met à rêver de chevauchées intrépides, dans les bois, avec son nouvel ami. En se réveillant, l’enfant découvre que le loup a été capturé par son père.
Dans ses précédents courts métrages (« Petite escapade », « Le château des autres », « L’enfant sans bouche »), Pierre-Luc Granjon s’intéressait déjà aux forêts sombres et aux enfants rêveurs et imaginatifs. Avec « Le Loup blanc », il récupère ces deux idées, et signe un conte atypique en papier découpé, dans lequel il n’y a pas de grand méchant loup, de lapin blanc en redingote et en retard, et de parents rassurants et végétariens.
La Queue de la souris de Benjamin Renner (France)
Dans une forêt rouge, noire et verte, une souris importune, par inadvertance, un lion. Celui-ci l’attrape par la queue, et ne la montre pas à ses messieurs. Il s’apprête à croquer sa proie quand celle-ci se met à le supplier de l’épargner et lui propose un marché (lui ramener quelque chose de bien meilleur qu’elle-même). Le lion, pas bête, attache un fil à la queue de la souris.
Lauréat du Cartoon d’Or, « La Queue de la souris » est le film de fin d’études de Benjamin Renner, ancien étudiant de La Poudrière. Inspiré des fables de La Fontaine, ce conte très court (4’), conçu en papier découpé, est un film profondément esthétique et drôle, porté par des couleurs, des ombres et une musique envoûtantes.
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