Dans le milieu de l’animation, l’univers mordant, décalé et très « féminin » de Joanna Quinn fait mouche. Véritable artisan du cinéma dessiné, la cinéaste galloise croque sans pudeur, depuis plus de 20 ans, les rondeurs sympathiques de personnages singuliers à l’humour « so british ».
Qu’elles traitent de l’impérialisme britannique (« Britannia » – 1993) ou des ambitions d’une apprentie cinéaste inspirée par l’avant-garde russe (« Dreams and desires – family ties » – 2006), les animations un brin subversives de Joanna Quinn remportent un franc succès où qu’elles passent.
Présenté à Anima dans le cadre de la rétrospective consacrée à Chanel 4, « Girl’s Night Out » (1987) est le premier film de la réalisatrice financé grâce à la chaîne anglaise. Dans un style simple, enlevé et très libre, Joanna Quinn explore, par la technique du crayon coloré, les contours, ô combien complexes, d’une féminité, qui, loin de correspondre aux canons de la beauté, s’évadent du quotidien en se gavant de lectures mièvres et de comédies romantiques.
Du romantisme ? C’est un peu ce qui manque à la pauvre Beryl, la quarantaine rondouillarde, docile en apparence mais légèrement effrontée. Cloisonnée dans un trois pièces, entre un mari indifférent, obnubilé par le petit écran et un chat pas plus affectueux, Beryl décide de célébrer son anniversaire entre copines dans un club de striptease masculin. Les clichés s’inversent : les femmes matent sans vergogne l’homme-objet (et l’objet de l’homme) faisant ainsi naître les fantasmes enfouis depuis trop longtemps. Réalisé durant les années Thatcher, le film, au-delà d’une caricature amusante, est également un pamphlet féministe remettant en question les rôles de l’homme et de la femme dans la société occidentale.
Par un sens du mouvement (gros plans suggestifs) et un travail du son fort intéressant (sons d’ambiance, jacasseries continuelles de Beryl et ses amies remplissant tout l’espace sonore, musique entraînante du striptease), « Girl’s Night Out » déborde de situations cocasses qui s’enchaînent à un rythme effréné. Le tour de force de Joanna Quinn est de dresser le portrait d’un personnage populaire au visage expressif et à l’accent gallois savoureux sans jamais le dénigrer ou tomber dans la vulgarité. Un film particulier, délicieusement insolent.
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Article associé : l’interview de Clare Kitson, ex-responsable du Département Animation à Channel 4